Comment la Vénétie prépare son indépendance
Ce n’est pas pour demain, mais mieux vaut se préparer dès maintenant. Depuis le 16 mars et jusqu’au 21, les habitants de Venise et de sa région sont invités à répondre par Internet à la question suivante: « Voulez-vous que la Vénétie devienne une République indépendante et souveraine ? » Selon le site www.plebiscito.eu qui organise cette consultation, près de 1,5 millions de personnes personnes avaient déjà pris part, le 20 mars, à ce scrutin purement consultatif. Une manifestation pour l'indépendance est prévue dimanche à Padoue. Les organisateurs comptent sur des dizaines de milliers de participants.
Surfant sur le succès de cette initiative, et sur la foi de certains sondages, soulignant que le sentiment indépendantiste serait soutenu par 60 % des habitants de Vénétie, le gouverneur de la région, Luca Zaia, membre de la Ligue du Nord, est prêt de son côté à faire voter un projet de loi d’indépendance qui pourrait à son tour conduire à un référendum d’autodétermination sur le modèle de ceux prévus en Écosse et en Catalogne. « Ce n’est pas un parcours facile », concède-t-il anticipant déjà les recours que ne manquerait pas de déposer l’Etat italien. « Le droit international va nous donner raison », assure-t-il.
Mais qu’ont donc les Vénitiens, rattachés au Royaume d’Italie en 1866, pour vouloir revenir aux temps où la République de Venise — dite la Sérénissime — était une des grandes puissances économiques européennes, avant que Napoléon ne précipite sa chute en 1797 et la fasse passer, par le traité de Campo-Formio, sous souveraineté autrichienne ? Sont-ils nostalgiques de leurs doges? Passéistes ? Folkloriques ?
« Non, explique crûment un des responsables du scrutin, nous ne voulons plus faire partie d’un pays où rien ne marche et qui va droit dans le mur. » Sur le site plebiscito.eu, dans la partie intitulée « les raisons de voter oui » (celle consacrée aux raisons de voter non est encore vide à ce jour) on peut lire : « L’indépendance est désormais évidente. L’alternative, c’est la mort dans une Italie repliée sur elle-même. » Une analyse pas très éloignée de celle de Beppe Grillo qui, sur son blog, invite à retrouver "l'identité des Etats millénaires comme la République de Venise ou le Royaume des Deux Siciles"
« Rome continue de nous regarder avec morgue »
De passage à Rome, mardi, devant l’association de la presse étrangère, M. Zaia a tenté d’étayer la viabilité de ce projet. Economiquement, soutient-il, la Vénétie, ses cinq millions d’habitants et ses 700 000 artisans et petites entreprises — « des héros » précise-t-il — sont tout à fait en mesure de survivre hors de l’Italie. Selon lui, la région paie 71 milliards d'euros d'impôts à l’Etat, soit 21 milliards de plus que ce qu'elle reçoit en investissements et services. Les 581 communes ont un budget équilibré et « pas un élu n’est l’objet d’une enquête judiciaire ». Enfin 7 habitants sur 10 parlent le vénitien. « Pourtant, déplore-t-il, Rome continue de nous regarder avec morgue, comme si nous étions aux frontières de l’empire. »
Paradoxe : c’est alors que la Ligue du Nord qui portait les revendications de sécession puis d’autonomie de l’Italie septentrionale — la mythique Padanie — a subi le plus grand flop de son histoire aux élections de février 2013 (un peu plus de 4 % des voix), que ressurgit la poussée indépendantiste. Du coup, le parti cherche à récupérer cette revendication qu’il avait oubliée en organisant également une consultation.
« On nous a refusé l’autonomie, nous avons essayé la voie du fédéralisme, analyse le gouverneur. On nous a refusé le fédéralisme, nous demandons l’indépendance. »Reste à trouver un nom à cette nouvelle République encore dans les limbes. Luca Zaia, qui portera ce projet aux élections régionales de 2015, assure n’y avoir pas pensé.
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